Les français manquent de culture économique ? Vilains !

Depuis quelque temps j’ai observé qu’il circulait dans les milieux bourgeois des apôtres du capitalisme libéral, l’idée que les Français manqueraient de « culture économique ».

Cette condescendante affirmation, se répand comme une traînée de poudre, portée je crois, par un contexte idéologique très favorable, ainsi que par un ensemble de croyances, bien plus que par l’effet d’une quelconque étude scientifique. Pour faire court c’est une opinion.

Qu’entendent les aficionados de ce constat par manque de « culture économique » ? Principalement, le manque de connaissance du milieu de la finance et le défaut de stratégie efficace qui en découle, aussi bien concernant les particuliers que les petites entreprises. Efficace pour faire un maximum de pognon, entendons-nous bien.

Voyez-vous, dans le grand jeu malsain auquel ils s’adonnent, il semble insupportable à ces gens que l’on puisse ne pas s’intéresser aux règles, au point de commettre des erreurs de jeu « grossières », pire que l’on puisse refuser tout simplement de jouer !

Il s’agit à la fois d’une rhétorique extrêmement perverse, avec en première ligne le dévoiement de la notion d’« économie », mais surtout le témoignage d’une acceptation servile d’un système donné, donnant naissance à une condescendance de flic qui fait appliquer la loi en faisant la morale, sans jamais questionner le bien fondé de celle-ci.

L’économie, quoique ces personnes en pensent, n’est pas un système de règles ayant une réalité absolue. Il n’y a pas de phénomènes physiques ou chimiques observables qui justifierait  in fine que l’on puisse dire : « l’économie , ça ne peut être que cela ».

Bien sûr il y a un paradigme économique actuel, avec ses règles et ses contraintes, mais « l’économie » est en réalité l’ensemble systémique qui est au service des rapports humains dans la production, et ceux-ci étant bien évidemment fluctuants, l’économie ne peut qu’être variable.

Par conséquent, quoiqu’il se la soit appropriée, l’économie n’est pas l’apanage du capitalisme libéral financiarisé.

C’est d’autant plus inapproprié que le système désigné par eux comme étant « l’économie » ne pourra, intellectuellement, jamais prétendre à cet absolutisme.

En effet, le capitalisme libéral financiarisé et mondialisé est intrinsèquement incompatible avec la préservation de l’environnement et du vivant. Cela a été mainte fois démontré, en raison entre autre, de sa sujétion à une dynamique de croissance perpétuelle, physiquement impossible. Si je disait plus haut qu’il n’y avait pas de phénomènes physiques ou chimiques de nature à justifier un système économique en particulier, il en existe en revanche qui sont propre à en disqualifier immédiatement certains.

La réaction du système « Terre » au capitalisme libéral financiarisé et mondialisé (c’est long mais c’est son nom) nous démontre qu’il est, intrinsèquement, un système économique incompatible avec la vie et donc invalide si l’on cherche à la préserver, même si cette démonstration n’est pas le sujet ici.

Dès lors quand je lis « manque de culture économique » je ne peut m’empêcher de comprendre « manque de technique de scarification » . De mon point de vue, un minimum de réelle « culture économique » devrait permettre, sans trop forcer, d’arriver à cette conclusion. Cependant ce serait partir du principe que les défenseurs de cette idée font preuve d’honnêteté intellectuelle, or je ne le crois pas.

Je pense que si une telle idée est à la mode c’est qu’elle sert les intérêts d’acteurs financiers qui détestent voir l’argent des gens sur leurs comptes en banque, et préfèrent le voir investi, permettant ainsi une éventuelle captation de richesse. De plus elle sous-entend que les français devraient laisser cela à des gens qui s’y connaissent, afin de pas faire de connerie. Les défenseurs de l’idée suggérant qu’ils possèdent cette compétence, et se présentant donc comme indispensables.

Ce qui en résulte et qui est insupportable dès lors, c’est le procès en incompétence qui est fait aux français, et plus généralement à toutes les personnes qui ne jouent pas selon les règles. Entendez messieurs, mesdames, que c’est votre faute si la France va mal, étant donné que vous faite n’importe quoi avec votre argent et que vous ne savez pas investir correctement. Vous avez peur du risque, ignorants que vous êtes !

Si finalement vous n’êtes pas encore des individus de droite libérale, c’est qu’on ne vous a pas assez bien expliqué, qu’on a pas fait preuve d’assez de pédagogie, comme ils disent. D’ailleurs si vous n’êtes pas encore millionnaire c’est pour les mêmes raisons. C’est pourtant pas bien compliqué, si vous n’êtes pas d’accord avec le système, c’est que vous ne l’avez pas compris. Logique.

Dès lors que l’on a accepté les règles du capitalisme libéral financiarisé comme étant absolues, c’est vrai qu’il semble absurde de ne pas vouloir les maîtriser pour en sortir gagnant. Mais c’est omettre que le capitalisme libéral financiarisé et mondialisé n’est pas un jeu réglo.

Ses apôtres le prêchent comme s’il s’agissait d’un système équilibré et juste. Il suffirait d’en connaître les règles pour en sortir gagnant et sous-entendu, pire enfumage rhétorique encore, que tout le monde pourrait en sortir gagnant. Le simple fait de le dire met déjà le doigt sur l’absurdité de ce présupposé.

Non, dans ce système, on joue salement, et tout le monde ne peut pas sortir gagnant.

Sans parler de la destruction de l’environnement où tout le monde est perdant par défaut, ce système économique fonctionne uniquement, au rapport de force, au capital de départ et à la succession de ce capital , à la cooptation, la compromission et la corruption. Pire, l’acteur économique qui ne joue pas selon ces règles n’a aucune chance d’exister de manière significative sur cette scène, où l’ignominie a atteint des sommets. Savoir investir, et donc faire preuve de « culture économique », c’est accepter de jouer avec ces règles abjectes. Finalement, les seuls qui peuvent être gagnants sont ceux qui s’abaissent à des comportements toujours plus infamants.

J’estime pour ma part avoir, sans grand mérite, acquis une certaine connaissance des logiques de fonctionnement de notre monde, mais, en réalité, je ne soupçonne pas le quart des horreurs qui y sont systématisées pour que tout fonctionne. En ce sens je plaide coupable de « manquer de culture économique », tout comme je suis coupable de « manquer de culture mafieuse », ou coupable de « manquer d’expérience en terme d’exploitation humaine ».

En vérité si tant de gens ne font pas l’effort de jouer à ce jeu malsain, ou de chercher à le comprendre, c’est, je crois, que beaucoup sont conscient qu’il s’agit avant tout d’apprendre à nager dans la crasse.

Les personnes ont une dignité et elles savent que placer leur argent dans les énergies fossiles est un signe d’une solide « culture économique ». Elles savent qu’il est possible de gagner de l’argent sur le dos des vieux en achetant des actions dans les EHPAD. Elles savent plus généralement qu’il est possible de se faire du blé assez facilement sur le dos des autres, mais je crois profondément qu’en réalité elles choisissent de ne pas le faire. Contrairement à nos élites de l’horreur, elles sont attachées à leur statut de personne voulant « bien faire », et elles s’attachent encore à conserver leur honneur intact.

Mais c’est vrai, vouloir conserver sa dignité et être honorable ça se lit « manquer de culture économique » dans notre monde.

Quand on veut conserver un tant soit peu de morale dans nos relations humaines, la seule manière de gagner est de ne pas jouer à ce jeu là. Les français ont donc raison d’ignorer les injonctions à se « cultiver », qu’ils en soient conscients ou non.

Je trouve que cette idée, à première vue anodine, nous met directement face à l’antagonisme total qu’il peut y avoir entre les personnes qui veulent améliorer la vie en commun et agir pour préserver notre planète et ces petits costumés fatalistes, cyniques et serviles qui nous font la leçon, en trouvant, sans surprise, une tribune complaisante dans les médias français, détenus dans leur écrasante majorité par les grands champions de ce système. L’honneur contre l’horreur.

Je ne peux toutefois que me réjouir de ce désintérêt qu’affiche la population pour l’économie de la finance. Je ne peux qu’y voir une désapprobation de principe. Je ne désespère pas que ces « incultes économiques », ces « gaulois réfractaires  » plutôt que de glisser dans le fatalisme, comme l’ont fait ces personnes très intelligentes et « cultivées » économiquement, soient en réalité un terreau qui sera fertile aux alternatives que nous réservent l’avenir.

Certains s’exaspèrent sûrement en levant les yeux au ciel face à mon incompétence économique. Moi, cela me donne de le sourire et de l’espoir.

Maxime

Quelques sources pour voir de quoi je parle :

Genre, tu sais pas quoi dire !

Aujourd’hui je vous fais part d’un questionnement lexical. Je ne trouve pas une façon élégante et inclusive de parler de nous, humains. Les mots genrés sont mal usités, surtout pour la gente féminine, et on s’aperçoit que la langue française, qui se targue d’être la plus précise dans son vocabulaire, a de grandes imprécisions dans ce domaine ! Moins précise que l’anglais même, c’est dire !

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Agir, à quelle échelle ?

Cet article est la suite de Et Dieu dans tout ça ?

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C’est un discours que j’entends souvent, et pourtant je ne suis pas encore convaincu du bien-fondé de cette réduction d’action. Je parle là d’un ressenti personnel, je ne remets pas en question votre propre conclusion, je dis que moi, je ne suis pas encore prêt à « abandonner » la globalité, aussi bouchée que semble la voie…

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Première contribution, première fierté, nous vous partageons aujourd’hui le texte d’une amie, qui a été touchée par notre initiative, et a souhaité prendre part à nos réflexions !

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« Slow travel », « low tech », « do-it-yourself », « batch cooking »… Mon arrière-grand-mère me regarderait avec des yeux ronds et pourtant elle a vécu ces concepts, bien plus que la plupart d’entre nous : voyages en voiture jusqu’en Suisse (le bout du monde !), réparation du poste de radio de génération en génération, reprisage de 67 paires de chaussettes, et même du « batch cooking » en préparant des litres de soupe le dimanche pour toute la semaine. Alors pourquoi avons-nous besoin d’utiliser des mots anglais pour nous approprier ces concepts ? 

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Nous allons partir, en voilier, pour toucher du doigt l’aventure, poser un sillage dans l’immensité du livre bleu océan, toucher de notre plume une parcelle de notre âme. Pourtant, bien que nous cherchions la Poésie, la Beauté, l’Amour du monde qui nous entoure – qui sont les sources de l’espérance – nous gardons les pieds sur terre. D’ailleurs, c’est parce que nous sommes bassement les pieds dans la boue, que nous cherchons à en sortir…

Les pieds dans la boue, parce que quoi qu’on en dise, nous polluons. Nous cherchons à montrer un exemple. Un exemple de voyage lent, à vitesse humaine, un voyage à l’impact environnemental réduit, mais non nul, un exemple de mode de vie plus simple, et pourtant toujours dépendant d’une société.

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