Et Dieu dans tout ça ?

Un de nos articles a donné suite à un échange de mails autour de Dieu, la foi, et tout ce qui en découle. Après relecture, il m’a parut intéressant de partager à tous quelques points de la discussion !

Je préfère mettre en garde tout de suite : cet article n’a pas pour objet de préférer une religion à une autre, ni d’en démonter aucune. La foi est une affaire personnelle, et en aucun cas nous ne nous permettrions de juger ou de tirer des conclusions sur l’une ou l’autre. Si la religion catholique sera souvent citée dans cet article, c’est que les deux partis de l’échange de mail sont catholiques.

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Le Cœur de l’Être Humain

« tant que le cœur de l’homme ne change pas rien ne changera. Tant que l’homme ne reconnaîtra pas Dieu comme seul créateur, il ne pourra respecter sa création et vivre avec elle en harmonie. »

Avant de commencer, un petit point sur le langage : Je n’emploie volontairement jamais le mot Homme pour désigner notre espèce. Je l’ai laissé dans les citations, car le texte n’est pas de moi, mais c’est un abus de langage.

Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que le cœur de l’Humain est justement… au cœur du problème ! Cependant, je suis toujours réticent à incorporer des notions de religion dans un argumentaire objectif.

Je ne crois pas qu’aucune religion n’ait eu de considération pour l’environnement. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Théodore Monod (Et si l’aventure humaine devait échouer, Grasset), mais je ne peux qu’abonder en son sens. Les chrétiens ne font malheureusement pas bande à part.

Oui, l’être Humain ne doit pas se prendre pour Dieu. Il a la chance d’arriver au stade où il doit résonner d’une nouvelle manière : jusqu’à présent, on entendait l’adage « quand on veut on peut ». C’est dépassé. Maintenant on peut tout. La nouvelle formule est donc « ce n’est pas parce qu’on peut, qu’on doit ».

Dieu, malheureusement, est bel et bien mort dans la morale universelle. Le monde n’a plus de morale divine, il n’est plus dirigé par quelque chose de supérieur, qui fait peur aux gens. Et c’est peut-être pas plus mal, car beaucoup ont abusé de ce pouvoir divin pour assurer leur propre pouvoir (et là encore, les chrétiens ont été très forts à ce jeu).

Cependant, nous avons ôté Dieu de la morale, pour ne pas le remplacer. Et c’est là le problème. il n’y a plus de code d’honneur, de valeurs universelles, de lois communes, ou plutôt, ce qu’il y a exclut tout ce qui ne rentre pas dans un monde marchand (les relations humaines, la nature, les animaux, les minorités ethniques, …). Si rien n’empêche l’Humain de faire ce qu’il veut ni ce qu’il peut, alors c’est la décadence. Mais ce n’est pas Dieu, et ça ne l’a jamais été, qui doit les contrôler, ni eux ni la conscience qu’ils ont du monde.

Oui, je suis d’accord, à travers le cœur de l’Être Humain passe un affect puissant, qui peut porter de beaux fruits. Mais force est de constater que Dieu ou pas, foi ou pas, Chrétien ou pas, ce fameux cœur a les mêmes qualités et les mêmes défauts. Ce n’est pas la foi qui change le comportement de l’espèce humaine. Ce n’est pas Dieu qui guide ou punit. Ce n’est pas l’origine culturelle, cultuelle, qui donne à certains plus de vérité que d’autres – et si c’était le cas, nous occidents, de religion catholique, devrions nous porter responsables et coupables de la majorité des malheurs du monde actuel, car c’est bien notre mode de vie qu’on a si bien imposé pendant des siècles à la terre entière, qui détruit tout sur son passage, notre mode de vie et pas celui des autres !

Et nous Humains, chrétiens ou non, sommes tous divisés entre la part que nous avons dans la société, et ce qu’elle nous oblige à polluer – et la part de conscience que nous avons du monde et des dégâts liés à notre espèce.

Je vous prie d’agir !

Maintenant, je ne veux pas mettre des bâtons dans les roues des bonnes volontés. Si pour certains, la prière et la foi s’apparentent à une bonne solution, alors je les encourage ! Mais je trouverais très déplacé que cela soit vendu comme une solution unique et universelle, que les chrétiens auraient une plus grande légitimité que les autres face à la prise de conscience et aux actions nécessaires pour redresser la barre. Pouvons-nous dire aux indiens d’Amazonie, qui se battent en ce moment même contre la déforestation de la forêt primaire, que nous, Chrétiens, serions mieux placés pour savoir ce qu’il faut faire ? Pouvons-nous dire à Vandana Shiva, bouddhiste émérite, défenseure du droit des femmes et de l’écologie, activiste de renom en Inde, que ce qu’elle fait serait insuffisant ? Je ne crois pas qu’on puisse revendiquer quelque foi que ce soit pour affirmer avoir raison.

Je ne vous cache pas non plus que pour moi, prier ne m’apparaît pas comme une solution qui va transformer le monde. Les feux en Australie ne se sont pas éteints par l’opération du saint esprit, et les prières du monde entier n’ont fait que surcharger les réseaux sociaux de messages inutiles, et de ce fait, ont fait tourné des milliers de serveurs sur le monde entier, des milliers de big-datas, qui polluent tous tellement plus que vous et moi…

Dans un monde imaginaire, où la prière aurait des pouvoirs insoupçonnés, si, comme tentent de nous le faire croire les Quatre accords toltèques, il suffisait de croire entièrement en une chose pour qu’elle se réalise, pour que cela change la consistance de la matière et se joue des règles physiques, je pense que la foi serait bien plus usitée. Mais gardons les pieds sur terre : nous pouvons calmement dire que, si la foi avait ce genre de pouvoir, notre civilisation ne l’aurait pas laissée tomber, et nous aurions, à côté de nos scientifiques, des sorciers/prêtres mystiques aux pouvoirs bien réels. Mais ce n’est pas le cas…

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Les Maîtres perdent le contrôle…

« Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’homme a voulu se passer non seulement d’un Dieu mais de toute spiritualité amenant à tout ce qui en découle. L’homme s’est érigé en Maître du monde. Le problème est aujourd’hui que ce pouvoir engendre des monstruosités qui le dépassent. Les catastrophes écologiques en sont une qui nous touche,  l’esclavage de l’homme asservi par les systèmes qu’il a lui-même mis en place en est une autre tout aussi grave. C’est comme si l’homme voulant décider et contrôler sur tout, était en passe de ne plus rien contrôler. Le capitalisme devient de plus en plus abstrait, seul les chiffres et les résultats ont de la valeur, l’homme n’est qu’un moyen, non un but. Les systèmes informatiques, le big data, la machine, au lieu de le servir tentent de contrôler l’homme, il perd sa liberté et devient esclave. Le trans-humaniste en est l’aboutissement. »

Pour moi le capitalisme, le trans-humanisme, la pollution, … ne sont que des causes, et ne devraient pas être les déclencheurs d’un retour à la spiritualité : si c’est le cas, j’ai peur de me retrouver avec des faux prophètes, des fausses croyances, et des fausses actions.

Vous dites que « La spiritualité, indépendamment des religions et de leur pratique, élève l’homme au-delà de sa condition matérielle. Sans elle on ne peut rien bâtir d’humain (la preuve en est faite aujourd’hui). L’homme a besoin de transcendance. » Nous ne pouvons qu’être d’accord sur ce point. Sans vision globale, aucune transcendance. C’est-à-dire aucune grandeur d’âme, aucune dignité humaine. Cependant, jamais la spiritualité n’a pu structurer une globalité. Elle structure l’individu, elle l’éduque à « l’univers », c’est-à-dire à tout ce qui entoure et interagit.

Mais la spiritualité ou Dieu, quel qu’il soit, ou combien qu’ils soient, n’ont jamais permis à l’être humain, dans la globalité, d’avoir une vision environnementale, sociale, culturelle respectueuse et épanouissante. J’insiste, jamais dans la globalité. Ce n’est pas cela qui est à l’origine d’un respect de la nature, de l’Humain, ou de quoi que ce soit. Tant mieux si certains individus, en tant qu’individus, peuvent s’inspirer de ça, mais ce n’est pas cela qui est à l’origine du respect du vivant ou autre.

Je prends pour exemple précis : Nos amis d’Égypte antique ont créé d’immenses déserts du croissant fertile en leur temps, par une méconnaissance de la globalité d’un écosystème, par la négligence de la fragilité de la nature, par une sur-exploitation des ressources naturelles (et oui, déjà à l’époque, avec des haches, ils déforestaient à tour de bras !). Ils n’ont pas non plus été dans un respect humain, avec des esclaves sans limitation, etc…

Un autre exemple sont les amérindiens, qui avaient (ont toujours) un fort rapport à la nature. Ce rapport a construit une spiritualité sur des liens de nécessité. Sans la nature environnante, sans une parfaite connaissance de celle-ci, ou sans le respect nécessaire à sa survie, l’être Humain était lui aussi en danger. Il a donc dû apprendre à interagir avec les écosystèmes, non pas dans le but premier de sauvegarder cet environnement, mais de permettre qu’il soit toujours accueillant pour que les Humains puissent y vivre. C’est une vision anthropocentrée.

Plus terre-à-terre, dans l’histoire du catholicisme, combien de « sorcières » avons-nous brûlées, combien de huguenots traqués, combien de croisades et de massacres peuvent nous faire dire aujourd’hui que c’est la religion qui nous permet d’être des êtres « humains », de respecter l’autre, de ne pas faire d’esclaves, de véhiculer l’Amour ? Clairement, l’Humain n’a jamais, sous couvert de religion, pu faire des choses dissociées de ses intérêts profonds. Il est toujours anthropocentré.

Il n’y a que les ermites qui arrivent à transformer leur vies en s’inspirant d’une spiritualité. St François d’Assise est l’exemple unique et parfait d’un Humain sensible à la nature, qui a voué sa vie, l’a transformé pour respecter ce qui l’entoure. Mais nous pouvons déplorer que cela reste à la marge.

La civilisation dans son explosion démographique et ses ambitions d’expansions géographique, technologique ou politique n’a jamais, même avec un ou plusieurs Dieux, été respectueuse de l’être humain, de l’environnement, de la culture, de la multiplicité.

Tout comme – et c’est là que je veux en venir – des athées, dans notre société occidentale, sont très sensibles (parfois même plus que des croyants) à leur prochain, à l’environnement, au vivant dans son intégralité. Ce que je veux dire c’est que la religion ou la spiritualité n’est que l’institutionnalisation de valeurs et de morales profondes que certains ont ancrés naturellement en eux. Le but de cela et de proposer (ou d’imposer ?) à ceux qui ne l’ont pas, une vision plus respectueuse du monde dans lequel ils vivent. Mais je constate que non seulement, certaines religions (dont la catholique) n’ont pas dans leurs textes un respect de l’environnement ancré et en plus, sauf à l’imposer (et on est tous les deux d’accord pour dire que ce ne serait pas la bonne solution), la religion ne peut obliger les gens à respecter, à obéir, à entrer dans une démarche de soumission vis-à-vis d’un ordre global : il faut que tout cela soit choisi, et non imposé. Oui, le pape François en parle maintenant, mais c’est un pionnier dans l’histoire de la papauté !!! Benoit XVI l’avait tout juste abordé, mais auparavant personne avant n’a porté d’intérêt à l’environnement au point de l’inscrire dans les textes !! Sinon par cette phrase de la genèse laissée à la libre interprétation de chacun : « Dieu les bénis et leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-là ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre » [Gn 1-26 ; 28] On constate au passage que toute la construction de l’Homme au-dessus de la Création, de l’Homme qui maîtrise, qui soumet, se retrouve dans cette phrase. Ici, l’Homme n’est pas un maillon, un élément parmi d’autres dans un écosystème. Il est en dehors, il est au-dessus.

Pour revenir à nos moutons (sans mauvais jeu de mot théologique), je résume la religion ou la spiritualité à une éducation morale, émotionnelle et sociale PARMI D’AUTRES. Encore une fois penser que seule la spiritualité peut amener à construire l’Humain me parait très réducteur. Les païens – Heu, pardon 😉, les athées sont capables des mêmes valeurs et de la même morale que certains des plus pieux chrétiens, et inversement, certains chrétiens, pour ne pas dire prêtres même, sont totalement hérétiques à leur propre religion, et se foutent proprement de l’Humain.

Oui l’Humain doit se rappeler de sa petitesse. Mais cela indépendamment de la religion.

Que retenir de tout cet échange ?

D’abord, qu’il n’y a personne pour rattraper nos conneries, ni dans ce monde, ni dans un autre. C’est à nous seuls de prendre la responsabilité de nos actes, ni à Dieu, ni à nos descendants.

Ensuite, que d’avoir tué Dieu dans la morale universelle, c’était une expérience de liberté, une sensation de maîtrise, de toute puissance. Une sensation seulement, car on voit bien qu’on ne maîtrise rien du tout ! Il nous faut donc accepter cette non-maîtrise. Nous ne pouvons pas tout maîtriser, et même si nous le pouvions, nous venons de voir que nous ne devons pas ! Il est urgent de garder en mémoire les bornes de la morale, et individuellement de conserver – par choix – des limites non pas liées à nos possibilités, mais à nos valeurs.

Enfin, que la spiritualité quelle qu’elle soit est une chose essentielle au cœur de l’Humain, et il est important d’encourager chacun·e à travailler sur elle/lui en profondeur, pour que la conscience de Soi, de l’Autre, du Monde, soit quelque chose d’évident, de naturel.

L’échange s’est poursuivi sur un autre domaine, la manière d’agir. Pour ne pas faire trop long, ça fera l’objet d’un autre article !

2 réflexions au sujet de « Et Dieu dans tout ça ? »

  1. Petite contribution biblique : 1Corinthien 6.12 « Tout m’est permis », dit-on, mais je dis : « Tout n’est pas bon ». « Tout m’est permis », mais moi, je ne permettrai à rien de me dominer.

    Cette phrase la me guide pour essayer, à mon échelle, d’avancer et peut être d’avoir une action plus globale.

    Je vous souhaite une bonne route, qui semble bien riche, même si ce n’est pas en km qu’elle se mesure actuellement 🙂

    1. Merci HP pour ton retour ! Voilà, il y a parfois des petites pépites dans les écrits ! Merci de la partager !
      On navigue dans nos tête actuellement, et le ralentissement du confinement nous permet de prendre le temps et de profiter de la lenteur !

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